Un cadre très libre pour voir émerger le naturel
Dans le jeu n°1 du jeu de la monnaie, on expérimente un cadre très libre.
Il y a le fil rouge identique aux 4 jeux, soit disposer de carte et avoir la possibilité de créer des valeurs économiques en rassemblant quatre cartes de même hauteur. ♠️♥️♣️♦️
Ce cadre très libre, permet de s’alléger du pouvoir de la structure qui est très lourd dans les jeux suivants et de voir comment les individus se comportent « naturellement ».
Nous tentons par là de voir si il existe un système économique « naturel » qui émerge tout seul.
Observations: le poids des habitudes
En fait, selon nos observations au fil des parties, ce système dépend totalement de la vision du monde des joueurs et joueuses.
Très souvent, on sent le poids de la structure habituelle du système économique dominant de nos jours. C’est à dire: l’échange.
Soit, si j’ai une carte qui t’arrange je veux bien te la « donner », mais contre une valeur équivalente, donc une autre carte !
Même en tentant de ne pas influencer les joueurs en donnant la consigne, donc en évitant de prononcer le mot « échange », on sent le poids des habitudes qui surgit dans l’immense majorité des comportements.
Donc, dans le jeu n°1, on observe pendant quelques minutes des gens qui s’échangent des cartes. Toujours une carte contre une carte.
Puis au bout de ~6 min, régulièrement, un peu plus souvent si il y a des gens qui se connaissent et ont une relation de confiance, il y a quelqu’un qui tente le don sans contrepartie !
« Oh… t’as besoin d’un valet pour finir ton carré… ça tombe bien j’en ai un … le voici !«
Parfois ça déclenche une prise de conscience chez tous les autres et tout bascule. Le don s’installe. Mais parfois non !
Les individus capables de fonctionner dans le don directement sont rares. Mais ils existent.
Alors pour tenter de comprendre la vision du monde d’une personne qui semble vivre dans le don, nous sommes allés interroger Florian sur son mode de vie et sa relation à l’argent.
Rencontre avec Florian
Florian se définit comme un activiste de la paix et de la joie. Donc là déjà ça pose le personnage. Puis si tu veux en savoir plus sur lui, voici un interview dans lequel Florian parle de sa recette du bonheur. et voilà encore une autre interview…
Pour résumer, Florian vit dans le don. Il donne ce qu’il est. Il s’investi dans des projets qui lui tienne à coeur (en direction d’une société harmonieuse) et il reçoit toujours ce dont il a besoin pour vivre. Même si il n’a pas de « salaire ».
Florian a joué au Jeu de la Monnaie en janvier 2017, à la Chaux-de-Fonds (on le reconnait avec son bonnet qu’il ne quitte jamais !).
C’était une partie très intéressante, car il y avait plusieurs personnes avec la même vision du monde, beaucoup de membres du SEL de la Chaux-de-Fonds. Le don a émergé très très vite et quasi marginalisé les gens qui avaient besoin de garder dans leur main le même nombre de cartes qu’au début. En général, c’est le contraire !
Au moment d’écrire ces lignes je me dis que ce n’est vraiment pas simple de retranscrire toute notre discussion (de plusieurs heures). Je n’ai pas eu de canvas avec questions réponses comme on peut l’avoir dans des interviews.
Nous sommes partis sur des réflexions à propos des croyances liées à l’argent. Des réflexions qui sont diffusées notamment par Christian Junod qui se dit spécialiste de la relation à l’argent.
Christian Junod organise des ateliers pour comprendre sa relation à l’argent et la pacifier. Il a également écrit des livres comme « Ce que l’argent dit de vous ».
Dans ses ateliers il a observé qu’il y a beaucoup de croyances qui sont liées à l’argent.
Les croyances liées à l’argent
Dans les différentes croyances associées à l’argent, il y a des gens pour qui l’argent est du pouvoir, de la liberté, de l’indépendance, de l’autonomie, voir le bonheur.
Il y en a pour qui l’argent c’est de la sécurité.
Il y a des gens pour qui l’argent c’est mal !.. ça brûle les doigts… ça crée des conflits… Il n’y a qu’à voir les familles qui se déchirent pour des héritages…
L’argent c’est sale, ça crée l’injustice.
A partir de ces croyances, il y a des gens qui sont capables d’attirer de l’argent et d’autres qui se sabotent au dernier moment pour ne pas en recevoir. Plus étonnant encore, il semble que c’est parfois en lien avec des croyances familiales et pas que personnelles. Ces croyances sont souvent inconscientes !
Il y a des comportements comme celui que Christian Junod décrit à propos de ce qu’il faisait lui-même, placer sa sécurité dans l’argent. Ainsi, il y a même des gens qui sont multi-millionnaires (ou plus) qui ont toujours besoin d’accumuler, qui sont pingres, car ils n’osent pas toucher à leur sécurité. Il faut toujours plus d’argent. Oui… même en étant millionnaire on peut être dans la peur du manque.
L’avis de Florian sur ce qu’il existe comme croyances liées à l’argent
Alors là j’ai eu droit à plein d’onomatopées…
Wouaaah… graaave les gars ! C’est fou ça !
Donc si l’argent c’est ta liberté, ton autonomie, ton bonheur, etc…. Ça veux dire que tu donnes ton pouvoir dans ces domaines à l’argent !
Donc avec l’argent pour racine, pour fondement, peut être qu’ils sont capables d’attirer l’argent à eux, mais alors ça crée des conséquences sur le long terme qui peuvent tout faire flancher si il y a un souci avec l’argent !
Et pour les gens qui voient l’argent en négatif ?
C’est l’effet miroir. C’est le reflet d’eux-même.
L’argent devient un bouc émissaire de ce que l’on ne veut pas voir sur soi-même.
Mais on observe quand même dans les jeux suivants du Jeu de la Monnaie que le cadre impose des rôles aux joueurs. Ils ne sont pas vraiment libres. Ça rejoint ce que disent les structuralistes comme l’économiste Frédéric Lordon: le capitalisme est une structure qui agit sur les individus par affect et désir. Il pense que les individus dans cette structure n’ont pas de libre arbitre. Ils sont conditionnés par cette structure.
C’est pas la structure, le cadre, la société qui conditionne les gens. Tant qu’on reste dans le jeux de pouvoir, dans les rôles imposés par les structures, on est pas libre.
On devient libre quand on accepte d’être pleinement soi-même. Donc ça passe par s’accepter soi-même.
Tant que chacun ne fait pas le travail de se libérer, on va rester dans ces jeux de pouvoir. Il faut sortir des pièges, ne plus répéter ses erreurs.
Donc si j’ai bien compris, chacun a un libre arbitre, contrairement à ce que pense Lordon. Il suffit de s’accepter soi-même pour devenir soi-même et ainsi sortir du rôle qui semble imposé par la structure !
Vu comme ça, ça à l’air facile. Mais ça fait peur de sortir d’un rôle. Il faut de l’argent pour vivre. On ne peut pas sortir comme ça de la société ?
C’est là qu’on voit que la Suisse est LE pays du fric. Car justement c’est là qu’il y a tellement de gens qui ont peur du manque !
Dans la réalité concrète en Suisse quels sont les dangers réels pour sa survie ?
Il n’y en a pas ! On ne peut même pas devenir SDF, il y a l’aide sociale qui empêche ça!
Si il y a bien un pays où l’on ne risque rien, c’est en Suisse… et c’est là qu’il y a le plus de peur du manque !
Bon, alors si je résume. C’est certainement par ce que l’on est dans le pays qui rassemble le plus de gens qui sont dans la peur du manque, qu’on est dans le pays le plus riche du monde en monnaie ! Toute cette construction est fait pour tenter d’avoir moins peur !
Ce qu’est l’argent selon Florian
OK, donc on a vu qu’en Suisse l’argent est surtout vu comme un moyen de combler sa peur du manque. Mais quand on arrive à se libérer de ça, ce qui semble ton cas, et qu’on arrive à se libérer de toutes les croyances liées à l’argent qu’on a vu ci-dessus, l’argent c’est quoi ?
mmmmh… L’argent c’est un objet, un outil…. C’est ni positif, ni négatif. C’est nous qui donnons sa valeur à l’argent.
C’est une énergie que l’on peut polariser positivement ou négativement.
Donc tu n’as pas de croyances liées à l’argent ?
Là je ne me souviens plus de la phrase exacte donc pour ne pas trahir les propos de Florian, je vais dire ce que j’en ai retenu.
Il s’est totalement déconditionné de croyances liées à l’argent. Il s’est même déconditionné de la notion de croyance. Il me parle plutôt de vacuité ! J’ai pas encore tout bien saisi la chose. Notre discussion était tellement dense ! Donc on y reviendra peut être une fois, et je complèterai.
Donc il suffit d’être soi-même pour avoir de quoi vivre ?
Quand on se détache de l’idée qu’il faut travailler pour recevoir quelque chose, quand on donne sans forcément attendre quelque chose en retour, on observe qu’on reçoit toujours quelque chose.
Ce quelque chose n’est pas forcément de l’argent, qu’on soit clair.
L’économie du don c’est possible
Nous avons donc ici un exemple vivant que le don est un sytème économique qui fonctionne.
Si je tente de résumer ce que nous dit Florian. Si l’on est capable de ne pas donner son pouvoir à l’argent comme fondement de son bonheur, de sa liberté, de son autonomie, etc…. l’argent ne devient plus qu’une énergie qui circule.
C’est nous qui polarisons cette énergie en positif ou en négatif. C’est nous qui lui donnons de la valeur. A nous de choisir de le faire… ou pas.
Pour vivre, en joie et libre de tout rôle imposé, ainsi qu’avoir tout ce dont on a besoin pour vivre, il est nécessaire de s’accepter soi-même et d’être pleinement soi-même.
Ainsi on se détache de la peur du manque, on peut donner pleinement sans forcément attendre quelque chose en retour et l’on observe qu’on reçoit toujours quelque chose.
C’est l’économie de la confiance.
Ainsi en vivant ça au quotidien, il n’est pas étonnant que dans le jeu n°1 du Jeu de la Monnaie, Florian et d’autres avec la même vision du monde, se mettent à donner sans contrepartie dès le début. Et ne s’inquiètent pas de voir que temporairement il y a une carte de moins dans leur jeu. Une carte finira bien par arriver au moment où l’on en a besoin.
Des petites expériences perturbantes
Florian aime faire des petites expériences. Il donne parfois de l’argent sans raison apparente à des gens, à des inconnus même. Imagine, tu te balade dans la rue et un inconnu viens te donner un billet de CHF 20.- !! Que fais tu ?
Il semble que ça perturbe beaucoup de gens !
La femme a qui Florian a tenté de donner CHF 50.- a été tellement perturbée, a tellement trouvé ça incroyable, qu’elle a trouvé ça même louche et elle a refusé.
Ça me fait penser à la discussion ci-dessus. Si ton système de croyance (même si Florian ne semble pas utiliser ce mot) pense qu’il faut travailler pour recevoir quelque chose. Alors effectivement ça coince, t’es obligé de refuser cet argent !
Un Revenu de Base Inconditionnel pour favoriser l’économie de la confiance
Florian est co-président du SEL de la Chaux-de-Fonds. Ainsi il tente de propager sa vision du monde à travers cet outil.
Dernièrement l’idée a été acceptée de fournir un Revenu de Base Inconditionnel de 50 picaillons par mois aux ~370 membres du SEL. (1 picaillon représentent à la base 1h de travail.)
Il parait qu’en assemblée générale ça a fait des remous. (mais ça a été accepté !) Encore une fois, recevoir de l’argent sans rien faire en échange, ça dérange les gens qui ont pour croyances qu’il faut travailler pour avoir de l’argent !
Voir le reportage de Canal Alpha…
Le monde bouge, peut être qu’avec cette expérience on trouvera un plus grand nombre de personne prêt à expérimenter l’économie du don.
Que pense Florian du Jeu de la Monnaie ?
Bien, alors après avoir joué au Jeu de la Monnaie, est-ce que tu le recommande ?
OUI.
Pourquoi ?
Par ce que ça te renvoie à toi-même, à tes propres réactions, à tes propres croyances. Ça t’apprend sur toi même.
Voilà nous avons donc un nouveau slogan-témoignage que nous pouvons utiliser pour inviter les gens à jouer au Jeu de la Monnaie:
Viens jouer pour en apprendre plus sur toi-même !
Merci beaucoup Florian d’avoir donné de ton temps pour cette discussion passionnante qui a permis cet article.
Continue ainsi à porter la paix et la joie dans le monde !
On va finir avec tes expressions favorites:
… Eh… Florian.. tu sais que t’es génial ? … tu sais qu’on t’aime ?